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Vers l’entreprise agile

Par Lambolez Christel (les-rh.fr)

Pour survivre et continuer à être performante, l’entreprise n’a plus d’autre choix au XXIe siècle que de former ses collaborateurs à penser différemment afin de multiplier les champs des possibles et de favoriser la créativité. Une culture du changement et du renouveau doit être impulsée.

Il s’agirait de se secouer un peu les méninges. En France, le savoir et les connaissances sont acquis depuis longtemps. Différentes enquêtes prouvent que les Français sont parmi les plus productifs de la planète ! Nos formations sont reconnues et notre travail efficace. Pourtant, il n’y a jamais eu autant de morosité, autant d’attente, autant de manque d’espoir dans ce pays. On a l’impression qu’on se noie dans un verre d’eau. La bascule entre la maîtrise de la technique et la créativité a du mal à se faire. Lâchez du lest car aujourd’hui ce n’est pas le mental qui va solutionner les problèmes; face aux peurs, il faut mettre en place des fonctionnements différents qui vont appel à d’autres façons d’utiliser son cerveau. Devenez léger.

Adaptable- Globale- Innovante- Lucide-Entrepreneuse, voilà les traits de caractère de la nouvelle entreprise du XXIe siècle désirée par les dirigeants pour maintenir la performance et développer l’innovation. En bref, l’entreprise doit être A.G.I.L.E et les différentes directions, dont celle des ressources humaines, doivent se mettre au diapason. Pas toujours évident pour les responsables des ressources humaines de mettre en place une structure souple, légère et réactive, quand il s’agit de mobiliser des milliers de personnes.

Il leur est difficile d’agir avec vélocité pour trouver les bonnes compétences, ou les faire grandir en interne, à temps pour répondre à la rapidité aux nouveaux besoins. La logique de développement des compétences se fait bien souvent sur le long terme et l’immobilisme ambiant satisfait souvent des individus cramponnés à leurs acquis. De plus, le contexte actuel, de crise et de concurrence exacerbée, n’arrange rien. « Nous devons nous adapter à des environnements en constante évolution. De plus, avec les technologies actuelles, nous brassons tellement d’informations que nous n’avons plus le temps de toutes les étudier avant de prendre des décisions rapides, témoigne Olga Simon, responsable des ressources humaines chez Thomson ReutersPar ailleurs, les demandes sont toutes urgentes et le temps pour les réaliser de plus en plus court. Les managers ont beaucoup de pression pour assurer leur mission et, de surcroît, doivent parfois gérer des collaborateurs récalcitrants. Sans arrêt, ils sont confrontés à des situations stressantes. » SelonJean-Marie Maire, responsable formation chez Azureva, certains managers se trouvent même isolés et peuvent être sujets à des risques psychosociaux. Alors comment faire pour développer l’agilité des équipes, des managers, de l’ensemble des collaborateurs ?

Résistances

Tout le monde sait bien qu’il faut plus de flexibilité, travailler en mode collaboratif, s’appuyer sur les différents réseaux et les nouveaux outils technologiques, miser sur l’innovation. Mais la prise de conscience au niveau des directions ne va pas faire reculer la frilosité et l’aversion au risque des équipes. Olga Simon admet : « Il y a une résistance au changement de la part de certains collaborateurs, notamment ceux qui ont trouvé une position confortable dans l’entreprise depuis plusieurs années. Heureusement, d’autres sont prêts à évoluer et le vivent comme une réelle opportunité. » Il faut que la grâce touche certaines structures pour impulser une manière de penser différente. Car pour être agile, l’entreprise est obligée de chambouler les façons de faire des salariés afin qu’ils osent se mettre dans la peau de «créatifs», plus enclins à une approche globale, plus intuitive, et donc plus réactive. Les inciter à lâcher prise et à prendre des risques. Ils ne doivent plus avoir peur d’eux-mêmes, des autres. C’est la culture managériale qu’il faut alors changer. Jean-Marie Maire l’a compris: « Nous avons écrit un guide des bonnes pratiques managériales de façon participative et volontaire, puis nous avons mis en place des formations pour l’ensemble des managers et quelques responsables de service. Nous les avons incités à prendre une posture fondamentalement adaptative et à se questionner sur ce qu’ils n’auraient pas vu au sein de leurs équipes. Ils ont compris notamment que le stress des collaborateurs est la conséquence d’un blocage et d’un manque d’adaptabilité. »

Comment faire pour aller plus loin ? Pour pousser l’ensemble des collaborateurs à aller jusqu’au bout d’eux-mêmes et se laisser guider par leur intuition ?

D’abord, il faut les convaincre de l’intérêt de suivre ce cap, leur montrer que leurs habitudes et leurs façons de faire peuvent être limitatives pour eux et qu’ils peuvent aller plus loin et acquérir de nouveaux atouts par une remise en question de leur pensée. Boiron, Auchan, Sodebo, Thomson Reuters et Azureva ont, par exemple, mis en place des formations pour essayer de convertir leurs collaborateurs à plus de souplesse dans le but de dégager une intelligence collective et améliorer la créativité. Souvent, les arguments pour convaincre (avant tout) les managers et/ou les salariés de s’inscrire aux formations tournent autour de la bonne gestion du stress et de la prévention des risques psychosociaux. C’est souvent lorsqu’on est au bout remise en question intervient.

Passer du mode mental au mode adaptatif

Pourquoi changer quand tout va bien ? L’Institut de Médecine Environnementale (IME), qui a mis au point des programmes pour aider les individus à passer du mode mental au mode adaptatif, a même lancé une étude, en partenariat avec l’INC et TNS Sofres et intitulée Estime (Étude sur le stress au travail), pour montrer comment, en développant la performance socio-organisationnelle des entreprises, on crée une réussite durable. Il ne faudrait quand même pas tarder et attendre que l’ensemble des collaborateurs « pète un câble » avant d’opérer la bascule. On voit bien dans l’entreprise combien de personnes sont en perte de confiance et en souffrance morale. Il existe des recettes magiques, toutes simples, mais qui ont fait leurs preuves,pour changer de mode de pensée. Les techniques sollicitent le cortex préfrontal du cerveau. Lors d’une perte de contrôle, il faut changer de mode. De la même manière pour affronter des projets d’envergure, il faut « lâcher prise» pour favoriser l’initiative et la réactivité. L’esprit doit être disponible et ouvert. Par exemple, on peut se mettre en position d’homme ou de femme orchestre. L’exercice du mélomane permet d’entrer dans la multisensorialité; au lieu d’être dérangé par le brouhaha incessant, il suffit de se mettre en mode harmonique pour essayer d’écouter l’ensemble des bruits. Au lieu de se braquer et de s’opposer à une situation, on intègre l’ensemble. D’un mode focalisé, l’individu passe ainsi au mode ouvert.Jacques Fradin, médecin à l’IME, explique: « Si vous voulez tout contrôler, vous vous bloquez et c’est là que vous prenez un risque. C’est pour cela que lorsque l’on ne maîtrise plus une situation, il faut changer d’attitude. Cela permet de hiérarchiser les priorités et d’assumer ses responsabilités en sortant de son programme mental et en privilégiant le bon sens. On se laisse envahir par la sensation et surtout on ne s’y oppose plus, et du coup, on reprend le dessus. C’est automatique.» L‘attitude est concrète, animale. Le manager a un double rôle, technique et humain, et doit avoir la bonne attitude au bon moment. Trop souvent, il n’a plus le temps d’apprendre les techniques de communication et même tout simplement de se former au management. Ainsi des experts sont promus chefs sans avoir la moindre fibre managériale. Cela fait beaucoup de dégâts en matière de gestion des hommes car l’écoute n’est pas toujours là. « Ce sont les managers qui savent tout gérer et son contraire qui sont appréciés, appuie Jacques Fradin, De nos jours, il faut un management efficace, performant et humain. Le manager doit se mettre en posture de gestion globale. » Il n’a plus le choix, d’ailleurs, avec l’arrivée des nouvelles générations. Les entreprises sont dépassées par la génération dite Y qui fonctionne de façon globale, est multitâche, connectée, et rapide, et donc souffre du management actuel. Alors il faut absolument mettre de côté les fonctionnements désuets et faire confiance aux connaissances acquises, approfondies, exploitées, et les laisser sortir de façon instinctive et naturelle. Se reconnecter au vrai. « Pour être Mozart, il faut la compétence et l’adaptation», dixit Jacques Fradin.

Se concentrer sur l’intention

Il propose une méthode basée sur la parole. Au lieu de préparer le contenu, le rabâcher sans cesse, il faut se concentrer sur le contenant, l’attitude, le son. On se met dans la peau du personnage qui doit délivrer les bons messages. Après quelques exercices, on se rend compte que le discours structuré, pertinent et vrai, sort tout seul comme un chant connu. Le sujet travaille son aisance, sa capacité de répartie, et est prêt à passer en mode improvisation et donc de ne plus se laisser déstabiliser. Il faut se concentrer sur l’intention. Jacques Fradin explique : « Quand on ne pense pas où on met les pieds, ils ne vont pas n’importe où. Pour le cerveau c’est la même chose.Les neurones du langage sont aussi agiles que ceux des pieds. Plus on a l’habitude de faire confiance à son cerveau pour l’exécution, plus on se concentre sur l’intention. Revient à l’entreprise de créer l’ambiance nécessaire pour sortir du cadre. Il faut tenir compte des erreurs qui peuvent advenir et autoriser le droit à l’erreur. En cas d’inquiétude extrême, la transparence rassure. Il faut faire confiance aux collaborateurs, à leur conviction, à leur choix. Autorisez- les à se déprogrammer, à être indisciplinés, à se libérer. Ils deviendront alors les potentiels dont vous rêvez.

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